N°2 / Décolonialité et Lumières / Decoloniality and Enlightenment

Mémoires

Transcription semi-diplomatique et notes paléographiques : Fabiana Léo

Louis Pinto De Souza Coutinho, Vicomte De Balsemão

Résumé

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Memoires de Son Excellence M.r Louis Pinto de Souza Coutinho, Vicomte de Balsemaõ

Transcription semi-diplomatique et notes paléographiques : Fabiana Léo

 

Note sur la transcription

 

L'orthographe de l’original a été conservée, sans utiliser l'expression [sic], en cas d’erreurs orthographiques ou de répétition de mots. De la même façon, la ponctuation de l’original a été conservée. Cela signifie que les phrases s’achevant sans point final dans le manuscrit ont été maintenues sans point final dans la transcription, et celles qui se terminent par un signe de ponctuation dans le manuscrit (tiret ou trait d'union, par exemple) ont été transcrites avec le même signe. En général, l'auteur place un point après les chiffres, même si ce n'est pas la fin de la phrase. Ce point a également été maintenu dans la transcription. Dans la mesure du possible, les caractères spéciaux liés à la monnaie ont été conservés. De même, les abréviations jugées faciles à reconnaître ont été conservées. Toutes les parties du texte qui apparaissent soulignées dans la transcription sont soulignées dans l'original.

La transcription a été réalisée de manière suivie sans respecter le passage à la ligne de l'original. De cette façon, les mots qui, dans l'original, avaient été divisés par des changements de ligne ont été transcrits intégralement, sans signaler la partition des syllabes. La division des paragraphes a été respectée. Les alinéas et la centralisation des titres ont été maintenus, dans la mesure du possible.

Certaines modifications et conventions ont été utilisées pour clarifier, à l’intention du lecteur, certaines caractéristiques et éléments trouvés dans le manuscrit.

Les parties de mots mal séparées ont été jointes. Les mots mal orthographiés ensemble ont également été séparés dans la transcription. Il y en a très peu de cas.

Les notes de bas de page dans le texte d'origine, qui se trouvent à la fin des pages, séparées du texte par un tiret, ont été converties en notes de bas de page automatiques et insérées immédiatement après leur appel dans la transcription, afin de faciliter la localisation de l’information.

Les occurrences jugées intéressantes ont été enregistrées sous forme de notes de bas de page, identifiées comme [Note de la transcriptrice] afin de ne pas les confondre avec les notes du texte original. Des abréviations qui n'étaient pas considérées comme faciles à comprendre se retrouvent également dans des notes du même type.

Les numéros de page ont été rédigés entre crochets, alignés à droite, à gauche ou au centre, selon leur position sur la page d'origine. Certains numéros ont été déduits de la séquence, car ils étaient coupés sur les photographies ; dans ces cas, en plus des crochets, ils apparaissent en italique, pour signaler la déduction. L'italique a également été utilisé pour signaler les pages qui n'étaient pas numérotées dans l'original, comme c'est le cas avec les pages du verso de l’Extrait.

Les éléments enregistrés entre les lignes ont été transcrits entre < >, insérés au plus près de leur localisation dans le texte (lorsqu'indiqué ou que la déduction était possible). Les éléments marginaux ont été insérés au plus près de leur position par rapport au texte principal.

Les parties du texte barrées dans l'original ont été transcrites avec le texte biffé. Dans les parties effacées où il n'était pas possible de récupérer le texte, la convention [partie caviardée] a été utilisée.

Dans les quelques cas où il y avait un doute sur un caractère spécifique (généralement pour des raisons de lisibilité dans l'original, comme un espace court, une perte apparente de support ou un problème de numérisation), ce caractère a été transcrit entre crochets.

Enfin, les sceaux et notes placés par l'établissement dépositaire n'ont pas été insérés dans la transcription.

 

 

[p. 85]

 

<Brasîl>[1]

 

Memoires de Son Excellence M.r Louis Pinto de Souza Coutinho, Vicomte de Balsemaõ Sur les contestations entre les Couronnes d'Espagne et de Portugal, relatives à ses possessions dans l'Amerique Meridionale, selon les epoques et les Traités[2]

 

Balsemão foi no posto de tenente coronel de artelheria governador e capitão general de Matto Grosso em 1764. Foi depois nosso Ministro em Londres, e em 1788 ministtro da guerra e dos extrangeiros em Lisboa. Dirigiu os negocios militares em Portugal durante 14 annos[3]

 

[p. 86]

Introduction

 

M.r de Ulloa dans une grande dissertation, que la Cour de Madrid a fait imprimer à Paris l'année 1776. s'est donné beaucoup de peine à prouver par les calculs astronomiques que la ligne de Démarcation entre le Portugal et l'Espagne à peine toucherait-elle la Ville du Pará, et passerait en égal parallele sur l'Ile de S.te Catherine vers le sud

La Cour de Lisbonne a eu la bonne foi de convenir des demonstrations de M.r de Ulloa, prouvées du coté du Nord par les observations des Commissaires Portugais employés aux demarcations; mais la même Cour a demontré à celle de Madrid que la pretendue ligne de démarcation étoit insubsistante parce-que les anciens Traités qui la supposent, avoient toujours été enfreints par les Rois d'Espagne, et que le traité de la restauration du Portugal de 1668. les avoit abolir entièrement, conservant les deux Monarchies dans l'état actuel de ses possessions

Voici comme on l'a demontré, et l'histoire impartialle rendra sans doute justice à[4] la verité

 

§. 1.

 

1.º - Jean 2.º de Portugal ayant reclamé contre la fameuse[5] Bulle du Pape AlexandreVI en faveur de Ferdinand et de Elisabeth d'Espagne, s'est à la fin accordé avec [c]es[6] Monarques,  par un traité celebre à Tordesilles le 7 Juin 1494[7].

2.º Comme c'est dans ce traité non subsistant, et enfreint que la Cour d'Espagne a paru vouloir fonder tous ses Droits, nous en donnerons ici l'analyse - En réglant par l'article premier les limites des decouvertes que les deux Couronnes pourraient faire sur l'Océan à l'avenir, on establit les termes suivants

Qu'on tracerait d'un Pole à l'autre une ligne

[p. 87]

 

sur l'Océan, et que tout ce qui tomberait à l'Ouest [rature][8]-delà de 370. lieux (1)[9] tirées des Iles de Cabo-Verde vers le ponent, resterait à jamais à la Couronne de Castille; et tout ce qui resterait à l'Est appartiendrait au Portugal; sans autre exception quelconque que les Iles Canaries cedées à l'Espagne par le traité de 1479

3. Pour tracer la pretendue ligne d'un grand cercle polaire, il falloit fixer le point donné des 370. lieux[10] à l'Ouest des Iles de Cabo-Verde qui en faisaient toute la base, et on etoit convenu du terme de dix mais dans le traité. Jamais l'Espagne n'a songé à remplir cette condition essentielle, et le Portugal ne s'est pas non plus à le faire; de façon que la demarcartion resta toujour arbitraire, et le terme pour les decouvertes indifini, et sans pratique

4. Ce fut dans ces circonstances que les Portugais decouvrirent[11] le Brezil par Cabral; qu'Amerique Vespuce par ordre du Roi Emmanuel[12] visita toutes les côtes du même continent (2)[13] et en prit possession pour la Cour de Portugal, sans que jamais l'Espagne y fit la moindre objection, ni aucune plainte formelle

5. Ce fut dans le même entervalle que le compagnon de Magallan d'un coté, et Britto de l'autre (3)[14] se rencontrerent[15] dans la decouverte des Moluques et qu'ils prirent une double possession pour les Couronnes de Portugal et d'Espagne l'an[16] 1524. Cette possession semultanée, et ambigue excitant beaucoup de contestations entre les deux couronnes; le Roi Jean III. eut pour lors recurs au droit, et demontra à la Cour d'Espagne

 

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que toutes les Iles Moluques etoient incontestablement comprises dans la demarcation du Portugal, selon la convention du traité signé à Tordesilles –

6. Le fait etait trop clair, et trop incontestable pour que la Cour de Madrid y peut opposer d'autres raisons que celles de la force; et c'est de cette façon que l'Empereur Charles V. s'obstinu[18] à garder les Moluques en y envoyant pour la second fois Martin Irthegas l'an 1526. qui s'y établit à main armée, et commit par[19] là une infraction manifeste au Traité de Tordesilles; qui deternoit, de remettre toute découverte faite dans les partages d'autrui, entre les mains de celui à qui elles devroit appartenir, selon la demarcation stipulée

Voilà donc la première infraction du même traité commise par la Cour d'Espagne d'une maniere authentique. Les Portugais n'ayant decouvert pour lors aucun terrain dans le Bresil qui pût être supçonné au-de-là de la ligne de la demarcation etablié[20]

7. (4)[21] L'Empereur Charles V. se trouvant en grand besoin d'argent, s'adressa à Jean III. de Portugal, et

 

[p. 89]

 

entabla une negociation à la Cour de Lisbonne qui fut signé à Saragoce le 22 Avril 1529. Par ce traité l'Empereur Charles V. vendait à la Couronne de Portugal pour 350.000. Ducats d'or, tout le Droit, action, Domaine, et possession aux quelles il pourroit alleguer par rapport aux Molluques, et renonçoit à tout droit d'y trafiquer, ou commercer à jamais (5)[22]

8. En vertu de la même convention, l'Empereur Charles V. étendoit la démarcation Portugaise de 19. degrés à N.E. 4 de L. jusqu'aux Iles de S.t Thomas et das Vellas (6)[23]. Et c'est de ce point là que devroit être terminé la demarcationdes deux Empires du côté de l'Est: sans qu'il fut permis aux sujets de la Couronne d'Espagne d'y pouvoir contracter ni naviguer à l'avenir. Autre ces clauses exprésses du traité de Saragoce, l'Empereur y garantissoit au Portugal la demarcation établie, et s'obligeait non seulement à la défendre contre toute evasion étrangère; mais à renoncer à tout droit à jamais, en cas de la moindre contravention à quelqu'un de ces articles –

9. L'observation de ce traité n'a pas été mieux gardé que celle du traité de Tordesilles. L'Empereur Charles V. se contentan[t] de recevoir les 350.000. qu'il a eu de Jean III. a enfreint ouvertement tout le reste, comme on peut s'en assurer par les faits suivants

10. Le Capitaine Villa-Lobos decouvrit l'an 1542., c'est à dire[24] 13 ans après la convention de Saragoce, les Iles Phillippines, que la Cour d'Espagne a represé d'abord de rendre au Portugal, aussi bien que les Moluques, malgré [partie caviardé] une convention si expresse et aussi recente que celle de Saragoce. D'après des infractions se manifestes de la part de l'Espagne, la Cour de Portugal a reconnu que tous les traités n'étaient[25] pour elle que des titres vains, au[x]quels[26] il fallait renoncer de son coté, pour s'attacher aux seuls solides qu'elle pouvait tirer de ses posses

 

[p. 90]

 

sions et découvertes –

 

§. II.

 

11. De cette necessité on a vû naitre une autre espèce de Droit public entre le Portugal et l'Espagne, que les deux Nations ont reconnu tacitement après avoir renoncé aux traités. Je veux parler de cette suite non interrompue de découvertes mutuelles, qui ont suivé celle de la contestation des Phillippines, et qui s'est soutenue pendant 50. ans dans le nouveau monde par une possion tranquille depuis l'anné 1530. jusqu'a l'usurpation du Portugal 1580.[27]

12. Non seulement la Cour d'Espagne n'a disputé au Portugal sa possession durant l'espace des 50. ans, que nous avons mentionné[28], mais elle l'a confirmé expressement pendant les 60. que cette Couronne a été soumise à celle de Castille, et a formélement reconnu un tel droit au delá d'un siècle

13. On voit par les faits de la population du Bresil que les Portugais seuls se sont établies[29] dans ce continent depuis les bords de l'Amazone jusqu'a la Riviere de la Plata, sans aucune contradiction, ce qui est prouvé si incontestablement par la navigation privative qu'ils ont toujours eue de la première; et par la navigation commune qu'ils ont exercée dans la seconde sans la moindre opposition des Espagnols, (7)[30] qui n'ont jamais planté la moindre peuplade sur le bord septentrional de la même Riviere jusq'ua l'an 1726

14. Dans le Regne de Jean III. de Portugal, Martin Alfonso de Souza a pris possession formelle du bord septentrional de la même Riviere de la Plata pour la Couronne de Portugal, y a mis des bornes, et a fondé des Colonies, qu'il a reunier après au Gouvernement de S.t Vincent

 

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sans la moindre opposition des Espagnols, ce qui a toujours été confirmé par tous les actes de la même Monarchie, pendant la reunion du Portugal

15. D’un autre coté il est-si clair qu’on ne reconnoissoit plus les titres des traités annullés par tant d’infractions, mais le seul droit de possession que Pierre Teixeira, envoyé par le Gouverneur du Pará, a pris possession pour la Couronne de Portugal de toute la Rivière des Amazones jusqu'au Vapo le 26 d'Aout 1639. durant le Regne de Phillippe III. qui gouvernait alors les deux Monarchies, et qu'on n'a jamais revoqué / en doute la prise de cette possession à cause du droit des traités qu'on reconnoissait plus depuis un siècle (8)[32]

 

16.                                                                  §. III.

 

Pendant que la couronne de Portugal sous la domination Espagnole, étendait ses possessions en Amerique elle perdait en Asie; par la faiblesse, et tyrannie de ses Maitres, ses meilleurs établissements L'an 1609. elle se vit usurper S. George sur la Côte de la[33] Mine; elle perdit Ormus dans le Golphe Persique l'an[34] 1622. et d'Ile de Ceylan em 1638. Ce qui lui restoit des[35] Moluques, et d'autres comptoin[s] considerables dans les Indes, ont encore subi le même sort dans cette malheureuse époque de la domination Espagnole

17. Une autre plus favorable rompit le joug de la domination Espagnole par la fameuse revolution de 1640. et[36] abolit tous les traités existants entre les deux Couronnes durant la guerre de 28. ans, qui firent place à celui de restauration celèbre à Lisbonne le 13 Fevrier 1668[37]

18.  Par la teneur de ce traité, qui fait aujourd'hui toute la base du droit public entre Portugal, et l'Espagne

 

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non seulement on n'a pas renoncé les anciens traités qui renoient dexpirer par la guerre, par la préscription, et par toutes les infractions sus dites; mais on les a derogée d'une façon formelle en reglant que les possessions des deux Empires resteroit dans le même état où elles se trouvoient à la conclusion de la paix.Voilà donc le seuls systême de droit existant, qui soit fixe par le traité de 1668. systême qui detruit essentiéllement tous les traités et conventions ulterieures, qui etablissaient d'autres limites arbitraires et que reduit toutes choses aux termes de la possessions existante –

19. Il seroit donc aussi injuste que ridicule au Portugal de redemander à l'Espagne la restitution des Iles Moluques, et Philippines, Ceylan et Ormus, et d'autres etablissements depuis la conclusion de ce traité, à cause de ceux de Tordesilles, et Saragoce; qu'il le seroit à celleci de pretendre la plus grande partie du Brésil, à cause d'une ligne de division, qui n'a jamais eu d'ef fet de part ni d'autre, et qui a été établie sur des traités insubsistants, et infreints de fait et de droit par la même Monarchie Espagnole

 

Conclusion

 

On vient de voir que la Cour d'Espagne ne s'est jamais prevalu du droit de la ligne de démarcation après les decouvertes des Philippines, et que tous les Traités qui la supposaient avaient été abolis par celui de 1668.

Dans cette situation la Cour de Lisbonne ne s'est donc fait le moindre scrupule d'etablir sur le bord Septentrionale de la Riviere de la Plata en 1680. la Colonie du Sacrement, comme dans un Pays dévoluau premier occupant: cette fondation excita de voies de fait de la part des Gouverneurs Espagnols, et la Cour de Lisnonne exigea une reparation. Celle de Madrid eût pour lors recours por la première

 

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fois aux armes de la ligne de demarcation pour combattre l'etablissement de la Colonie Portugaise, comme fondé sur un territoire[38] appartenant à l'Espagne

Cette dispute fut pourtant suspendue par le Traité provisionel de 1681. et l'état de la question etait celui-ci: Les Portugais pretendaient avoir pris possession en 1553. par le Gouverneur Martin Alfonso de Souza, jusqu'a l'Ile de Martin Garcie sur le bord Septentrional, et d'y avoir exercé après cela tous les actes de la même possession en y entretenant des troupeaux et quelques maisons pour les bergers Ils avaient donc choisi l'emplacement de la Colonie comme une borne, pour marquer les limites du territoire dont les sujets du Portugal se pretendoit les maitres vers le ponent de la même Riviere. La Cour d'Espagne combatit de son coté cette possession par son pretendu droit à tout le territoire contesté depuis le Cap de S.te Marie jusqu'à la Colonie du Sacrement; et le traité provisionel laissa la question indéfinie (9)[39].

Le sort de ce Traité, a été celui qu'on devoit attendre:

 

[p. 94]

 

on a conferé, et disputé de part et d'autre sans rien conclure; et les Portugais resterent maitres de la Colonie, et possesseurs en commun avec les Espagnols de tout le bord Septentrional de la Riviere de la Plata, jusqu'a la guerre de succession dans la quelle ils perdirent cette place –

La Cour d'Espagne la rendit finalment au Portugal par le Traité d'Utrecht de 1715. avec son territoire; [e]n y renonçant à tout titre de possession, et de proprieté quelconque, et en y abolissant toutes les stipulations du Traité – Provisionel –.

Les Portugais se creerent depuis ce moment maitres de tout le bord Septentrionel jusqu'a la Colonie, comme du Territoire, qui avoit fait l'objet de la dispute mais la Couronne d'Espagne en venant à l'exécution n'a jamais voulu rendre que la Place, et le terrain qui etoit à la porté du cannon

La Cour de Lisbonne réclama contre une infracti[o]n si manifeste, et representa que la cession du Traité d'Utrecht la mettroit dans une condition plus désavantageuse que celle ou elle se trovait auparavant: ce qui etait absurde: mais la Cour d'Espagne n'a voulu entendre raison, et y a planté d'après les deux Colonies de Montevideo, et Maldonado pour fermer tous les pas aux Portugais.

D'après cette infraction il n'eut jamais une paix[40] solide entre les deux Monarchies: les Gouverneurs limitrophes se sont fait mutuellement une guerre sourde et clandestine jusqu'a l'anné 1750. que le premier Traité de limites fut signé

L'execution de ce Traité ayant soufert beaucoup de difficultés à cause de la sublevation des peuples du coté Oriental de l'Uruguay souflée par les Jesuites; il fallut que les Troupes des deux Puissances les combattissent, et les dispersassent entièrement,

 

[p. 95]

 

ce qui couta au Portugal près de 27. millions[41] de cruzades

Telle etait la situation des choses quand la Cour d'Espagne pretendit qu'on lui remit la Colonie, et qu'on prit possession des deserts de l'Uruguay. Le General Portugais s'y apposat en allegant que la cession de la Colonie etait pacifique, mais que celle de l'Uruguay ne l'etait point, puisque ses peuples, quoique dispersés n'etait point subjugués; et qu'il falloit que l'Espagne y mit la dernière main, en les faisant transporter dans ses autres possessions, à fin que les domaines cedés ne fussent de nouveau envalies; mais rendu en parfaite tranquilité, selon les termes du Traite

Le General Espagnol allega l'impossibilité de l'execution; et M.r Freire, Commandant de l'Expedition Portugaise, se retira à Rio Janeiro, sans rien conclure, et sans attendre aucune ordre de sa cour

Quoique celle de Madrid sentit toute la force des allégations de M.r Freire, et qu'elle les approuva; elle commença à douter de l'execution du Traité par les insinuations adroites[42] des Jesuites de Madrid et la negociation se refroidit

La Cour de Lisbonne souhaitait pourtant cette exécution sincérement; mais l'animosité contre les Jesuites prevalut sur son esprit, et elle pretendit dès ce moment que pour s'asurer la possession de l'Uruguay, le Roy d'Espagne fit chasser premièrement tous les Jesuites du Paraguay comme les fauteurs de la soulevation, sans quoi on ne pouv[o]oit jamais se flater de prendre une possession tranquille des terres de l'Uruguay

Cette negociation étant difficile de sa nature, traina longtems[43] en longeur; mais étoit sur le point de se perfectioner quand Ferdinand VI. vînt à mourir Aussi tôt que Charles III. parvint au Trône d'Espagne, la Cour de Portugal lui mit devant les yeux –

 

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l'état de la négociation, mais ce Monarque, ou prevenu en faveur des Jesuites, ou du désavantage (10)[45] du Traité de 1750. n'y repondit que par un memoire très froid en

 

[p. 97][46]

 

Memoire très froid en date du 16 de septembre 1760: exposant les difficultés de l'execution du même Traité, et souhaitant que la Cour de Lisbonne se prètât à l'abolir -

On ignore les vues politiques que le Marquis de Pombal eut dans une condescendence si precipitée pour la Cour d'Espagne, mais la verité du fait est que ce Ministre y repondit en date du 24 Octobre 1760. en envoyant d'abord à M.r de Silva, Ambassadeur du Portugal à Madrid les pleins pouvoirs pour l'abolition (11)[47]. On peut datter de cette époque tous les malheurs que le Portugal à essuyés après par rapport à ses Colonies

Ce Traité a été aussi precipité, qu'ambigue; on stipula que tout seroit remis dans le même état; oú les choses se trouvaient avant le Traité de 1750. Et tout resta dans la première confusion

Aussitôt que M.r Cevallos, qui etait alors Gouverneur de Buenos-Ayres, eut connoissance de ce Traité, il ne perdit pas temps et se mit à la tête d'une petite armée avant que la guerre fut declarée em Europe, et envahi les possessions Portugaises depuis Castillos jusqu'au delà de la rivière de S. Pierre, sous les deux pretextes suivants. 1.º Que les Portugais à l'ombre du Traité des limites s'étaient emparés des possessions Espagnoles - 2.º Que la rivière de S. Pierre, e même au delà appartenoit à la Cour d'Espagne, en vertu de la ligne de la démarcation. M.r Cevallos ne démontra jamais quelles étaient les possessions dont les Portugais s'ét[o]ient emparés à l'ombre du Traité de limites, puisqu'il n'avoit d'autres cedées dans ce Traité, que les peuplades du bord Oriental de l'Uruguay, que les Espagnols possedent encore en toute proprieté. Il allegua seulement la ligne de demarcation; et toutes les possessions Portugaises feirent prises en pleine paix; mais la guerre y donna la sanc-

 

[p. 98]

 

tion peu de maois après.

Le Traité de Paris ayant été conclu en 1763. on stipula par les articles XXX. et XXXII. une reposition intégrale dans le premier état des choses, comme elles avaient été avant la guerre; et que toutes les Colonies qui pouraient avoir été conquises de part et d'autre, seraient restituées sans reserve, et selon la teneur des Traités subsistants entre les deux Monarchies. Cette dernière clause a fait sain tout le Traité –

La Cour d'Espagne ne restitua au Portugal que la simple Colonie du S. Sacrement, et garda tout le reste de ses Conquêtes depuis Castillos, jusqu'au delà de la rivière de S. Pierre

En vain celle de Lisbonne representa, que toutes les raisons allegués par M.r Cevallos etaient absurdes, puisque les Portugais n'occupaient aucun territoire de l'Espagne à l'ombre du Traité des Limites, pour servir de compensation, et elle produisit la Carte authentique approuvé par la Cour de Madrid, avant le même Traité qui deposoit en sa faveur. En vain elle prouva, que la rivière de S. Pierre avait été decouverte par Vespuce du tems du Roy Emmanuel, et peuplée de puis 150[.] ans par les Portugais: on a été sourd à toutes ces allegations

Le voisinage des Troupes de deux Nations ne pouvait qu'exciter des animosités reciproques: on vint aux mains de part et d'autre l'an 1767. et les Espagnols furent chassés du bord septentrinal de la rivière de S. Pierre. La Cour d'Espagne qui negociait deja avec celle de Lisbonne p.r l'extinction des Jesuites, et qu'avoit d'autres vues politiques pour menager le Portugal n'en paru point offensée, et se contenta qu'on rernit des ordres aux Gouverneurs respectives, pour que tout restât pour lors in Italuque; avec defense aux Gouverneurs de vuider entre eux aucune contestation

 

[p. 99]

 

par des voyes de fait: les deux Cours s'etant reservé ce droit par la voye amicale de la negociation

Tout resta donc tranquille en Amerique, jusqu'à ce que la Cour d'Espagne desesperant de  porter celle de Lisbonne dans les vues qu'elle s'étoit preposées: a fait agir de nouveau ses premièrs ressorts, en faisant attaquer les possessions Portugaises de la rivière de S.t Pierre par M.r de Vertiz, au commencement de l'anné 1772.: ce qui a donné lieu à la guerre, que les deux

Nations se son faites jusqu'an 1777. et qui a été terminée par le Traité des limites du 1.er Octobre de l'anné 1777. et par le difinitif de 11 Mars de 1778. Ce qui est remarqable dans ce Traité, est, que pour lors la Cour d'Espagne a reconnu que les seuls Traités subsistents entre les deux Monarchies, n'etoient d'autres que ceux qui avaient été celebrées depuis l'époque de 1668. comme on peut s'assurer par le preambule

Le dernier Traite de limites ne différe qu'en très peu de chose de celui de 1750., par consequent les bornes que j'avois tracées subsistent pour la plupart avec les modifications, et alterations suivant[e]s

La demarcation actuelle commence dans le point du petit ruisseau Tahim, qu'on trouve decrit sur la Carte de M.r d'Anville, sortant du Lac Mirin. Elle cotoie ce même Lac par l'extremité septentrionale et se prolonge par la rivière Grande, et Yguarey jusqu'aux sources les plus occidentales de cette dernière; en sauvant toutes les rivières collaterales qui se déchargent dans les deux rivières susdites du côté du sud ou sud ouest, ou du côté droit

Des derniers sources de l'Yguarey la ligne continua entre les deux rivièrs Yribola, et Uraguay Pita; celle ci restant privative au Portugal: et elle va toucher à la riviere Pipery, qui reste aussí privative au Portugal, jusqu'à rencontrer l'embuchure de l'Yguassú dans le Para

 

[p. 100]

 

ná. D'ici en avant il n'a point d'alteration quelconque[48] dans le dernier Traité de limites

Mon projet favori seroit de faire un autre Traité de Limites avec l'Espagne, et de lui cêder tout le bord septentrional de l'Amazone jusqu'au Napo, avec l'Ile de Caviana; et du côte meridional de l'Amazone je lui cederait encore[49] tout le Pays qui s'etend depuis le Javarý jusqu'a la rivière de Madeira, pouvu que cette couronne voulu ceder au Portugal tout le bord Septentrional et Oriental de la riviere de la Plate et Paraguay, et que la navigation restât commune aux deux Nations, je lui cederait encore Macáo pour faciliter son commerce aux Phillipines

 

 

 

 

 

 

[1] [Note de la transcriptrice]: La graphie dans cette note n'est pas celle de l'auteur. Les signes de comparaison ("<" et ">") indiquent que cette partie du texte a été ecrit dans la marge supérieure ou dans l'espace entre les lignes.

[2] [Note de la transcriptrice]: La "s" a été surchargée comme une correction sur une lettre qui peut être une deuxième "e".

[3] [Note de la transcriptrice]: Paragraphe écrit au crayon, graphie d'une autre main.

[4] [Note de la transcriptrice]: Initialement, l'auteur a dessiné un accent aigu, puis un accent grave au dessus.

[5] [Dans la marge de droite]: anno 1493.

[6] [Note de la transcriptrice]: Les crochets ("[" et "]") indiquent que cette lettre a été déduite du context.

[7] [Dans la marge de droite]: 1497.

[8] [Note de la transcriptrice]: Je pense que l'auteur a essayé d'insérer un mot dans le petit espace laissé sur la ligne, puis a barré cette tentative et a écrit le mot sur la ligne suivante.

[9] [Note en bas de page]: (1) Selon les calculs Espagnols 17 ½ lieues font un grade geografique dans l'Equinoccialle

[10] [Note de la transcriptrice]: La "x" a été surchargée comme une correction sur la lettre "r".

[11] [Dans la marge de gauche]: 1500.

[12] [Dans la marge de gauche]: 1501.

[13] [Note en bas de page]: (2) Voyez les mêmes lettres de Vespuce écrites a Messir Pierre Sodrino: Voyez Matteo 1.º 2.º Claude Barthelemé &.ra

[14] [Note en bas de page]: (3) Les Portugais avaient deja decouvert les Moluques l'an 1511. comme on peut le lire dans tous les Historiens Nationaux, et dans les Dictionnaires geographiques Etrangers.

[15] [Dans la marge de gauche]: 1511

[16] [Dans la marge de gauche]: 1524

[17] [Note de la transcriptrice]: Le numéro de la page a été déduit de la séquence, car  il a été coupé de la photographie.

[18] [Note de la transcriptrice]: La "u" a été surchargée comme une correction.

[19] [Dans la marge de droite]: 1526

[20] [Note de la transcriptrice]: Initialement, l'auteur a épelé "ètabliè", puis a raturé l'accent grave.

[21] [Note en bas de page]: (4) Cet exposé ratifiera les idées que M.r Reynal a donné des transactions entre Charles V. et la Cour de Lisbonne à l'egard des Iles Moluques, dans son histoire philosophique T. 2. p. 237 & 38 de l'edition d'Hollande de 1774 –

L'Empereur n'a pas suspendu les armements, mais a cedé de toute pretention aux Iles Moluques par le traité difinitif de Saragoce; et a etendue la demarcation Portugaise au dela des Iles des Larrons par le meme traité, et par consequent les Philippines etaient comprises dans les limites de la démarcation Portugaise: on ne peut pas nier que Magallan ne toucha à l'Ile de Zebu dans son premier voyage; mais pour lors on la regardait comme une partie des Moluques, et c'est pour cela que je date la vraie decouverte des Philippines, ou Maniles à l'an 1542. par Villa-Lobos. Le voyage de Lopes d'Egavre a été une suite de cette decouverte –

[22] [Note en bas de page]: (5) Voyez le même traité

[23] [Note en bas de page]: (6) On connoit aujourd'hui ces Iles sous le nom des Iles des Larrons, ou Mariannes –

[24] [Dans la marge de gauche]: 1542 =

[25] [Note de la transcriptrice]: La deuxième lettre "e" a été surchargé comme une correction; l'auteur a peut-être écrit à l'origine «n'était», puis l'a corrigé comme "n'étaient".

[26] [Note de la transcriptrice]: Une "x" très discrète semble avoir été ajoutée dans le petit espace entre la "u" et la "q".

[27] [Dans la marge de droite]: 1580

[28] [Note de la transcriptrice]: La dernière lettre "n" a été surchargée comme une correction sur une "é".

[29] [Note de la transcriptrice]: La "s" a été tracée discrètement et légèrement superposé à la "e", ce que suggère qu'elle a peut-être été ajoutée après l'écriture du mot.

[30] [Note en bas de page]: (7) Voyez tous les Historiens anciens, etentres autres Matteo To[serr]elino, Ma[rz]a

Solorsano L.º 1.º Cap.º 4.º N.o 12, Claude Bartolomé &.a

[31] [Note de la transcriptrice]: Le numéro de la page a été déduit de la séquence, car il a été coupé de la photographie.

[32] [Note en bas de page]: (8) L'acte autentique de cette prise de possession, se conserve dans les ar-

chives du Pará, et l'on peut consulter Condamine la dessus –

[33] [Dans la marge de gauche]: 1609 =

[34] [Dans la marge de gauche]: 1622.

[35] [Dans la marge de gauche]: 1638

[36] [Dans la marge de gauche]: 1640

[37] [Dans la marge de gauche]: 1688.

[38] [Note de la transcriptrice]: La "e" a été surchargée comme une correction.

[39] [Note en bas de page]: (9) M.r Reynal me permettra d'observer ici, que l'exposition qu'il a faite dans son Histoire philosophique t.º 3. N.º LI: p 482. à l'egard du Traité provisionel de 1681. n'est pas juste: voici ce qu'il contient. La reposition de la Colonie dans le même état où elle se trouvoit auparavant, jusqu'à ce que la question du droit fut vuiolée, que les voisins de Buenos-Ayres ouvroient la liberté de chasser, de pêcher, de nourir des troupeaux, et de couper du bois; de cariner les vaisseaux, et d'exercer tous les actes de possession en commun avec les Portugais: et que tout ceci serait fait sans apporter aucun préjudice, ou alteration aux droits de possession et de proprieté reclamés par les deux couronnes. Qu'on nomm[e] rait des Commissaires de part et d'autre dans le terme de deux mois, pour terminer la contestation juridiquement.

[40] [Note de la transcriptrice]: La "x" a été surchargée comme une correction.

[41] [Note de la transcriptrice]: La deuxième "i" semble avoir été ajoutée après l'écriture du mot.

[42] [Note de la transcriptrice]: La "e" a été surchargée comme une correction.

[43] [Note de la transcriptrice]: La lettre "s" a été surchargée comme une correction.

[44] [Note de la transcriptrice]: Le numéro de la page a été déduit de la séquence, car il a été coupé de la photographie.

[45] [Note en bas de page]: (10) On a beaucoup disputé sur l'avantage, ou désavantage du Traité des limites. La Cour de Lisbonne n'y gagnoit rien que sa tranquillité, et l'arrondissement de ses Etâts. Elle perdoit aussi très peu par la cession de la Colonie, puisque après le blocus continuel que les Espagnols y on mit le commerce d'interlope s'est reduit a rien

M.r de Mably dans son droit public de 'l'Europe a crû que le Portugal y gagnoit beaucoup par l'aquisition de sert oriental de l'Uruguay, parce que en fermant une fenenêtre on ouvrait mille portes à la contrebande. Mr de Mably n'a pas remarqué, que ce commerce devoit être conduit parmi des Indiens, qui n'ont rien à donner ni à recevoir; que l'argent n'a point de cours chez eux et qu'ils n'ont d'autres productions qu'un peu de cotton des cuirs, et l'herbe du Paraguay. Le commerce des premièrs articles était impraticable au milieu des grands deserts, qui sont intermediaires entre l'Uruguay, et la Riviere de S. Pierre; le seul debuché que les Portugais auraient pour le faire embarquer; et qui l'article ne valoit pas la dépense. Quant à l'herbe du Paraguay, ele n'est d'aucun usage au Bresil, ni en En Europe pour pouvoir faire un objet de commerce. au reste il ne faut que jetter les yeux sur la Carte pour s'apercevoir, que les Portugais ne pouvant s'etablir sur l'Uruguay que jusqu'à la rivière Ybicuy, et le reste restant privative aux Espagnols, il etait impossible qu'ils pussent descendre la même Rivière pour porter la Contrebande au Perú, et au Tucuman, ni avoir aucune porte de- ouverte pour pouvoir y réussir. Voilà ce qu'on peut ajuter aux remarques du T. 3 de l'Hist. Polit. p. 486. de l'Edition d'Hollande 1774

[46] [Note de la transcriptrice]: Le numéro de la page a été déduit de la séquence, car il a été coupé de la photographie.

[47] [Note en bas de page]: (11) Le Traité fut signé à Madrid le 12 Fevrier 1761 –

[48] [Note de la transcriptrice]: La première lettre "e" a été surchargée comme une correction.

[49] [Note de la transcriptrice]: La "c" a été surchargée comme une correction.

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De Frantz Fanon à Houria Bouteldja : de la recherche de l’universalisme à l’assignation identitaire

Pascale Pellerin

Contrairement à Frantz Fanon, qui de ses premiers textes jusqu’à son essai dernier essai, Les Damnés de la terre, publié en 1961, accorde toujours une place importante à l’universalisme, Houria Bouteldja, dans Les Blancs, les Juifs et nous (2016), manifeste un refus total des Lumières françaises et condamne de façon virulente tout lien entre Orient et Occident. L’article de Pascale Pellerin interroge cette évolution du discours sur l’universalisme dont les enjeux politiques sont essentiels.

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